Henri Blès, Bouvignes ou Dinant ? – Ferrare, 1567.
Henri Blès est actif à Anvers dans le deuxième quart du XVIe siècle. Certains auteurs l'identifient avec Henri de Patinier, franc-maître à la Gilde de Saint-Luc à Anvers en 1535. Peut-être a-t-il vécu en Bohême et plus certainement en Italie où son oeuvre abondante suscite encore de l'intérêt à la fin du XVIe siècle. Un auteur ancien le dit enterré dans l'église San Giacopo de Ferrare où il serait décédé avant 1567.
Blès est souvent appelé « Civetta », c'est-à-dire « la chouette » - surnom qu'il aurait parce qu’il introduisait dans ses tableaux une minuscule chouette. Celle-ci n'a pas valeur de signature car elle n'est pas toujours présente et peut être repérée, en revanche, sur des tableaux dus à d'autres artistes.
Quelques oeuvres figurant sous le nom de Blès dans les inventaires anciens servent de point de départ pour établir le catalogue de ses oeuvres (plus d'une centaine de tableaux). Les thèmes sont généralement religieux et beaucoup plus rarement mythologiques ou profanes. Blès décompose volontiers son sujet en une succession de « scaynettes » qu'il répartit en plusieurs endroits de la composition. Celle-ci s'ordonne habituellement autour d'un axe oblique et la lisibilité des détails décroît au fil de l'éloignement. Des parties de paysages sont réutilisées dans différents tableaux. C'est ainsi que l'on retrouve à plusieurs reprises les mêmes villes, et châteaux, mais aussi le chêne au tronc fendu et le frêne isolé, de même que ces rochers étranges aux profils déchiquetés et aux formes instables. Des gravures ou albums de dessins lui servaient parfois de modèles. Une collaboration occasionnelle avec d'autres artistes dans les scènes figurées n'est pas à exclure.
La peinture de paysage a pris naissance dans notre région à l'aube du XVIe siècle et a suscité un engouement croissant dans toute l'Europe. C'est une véritable révolution où la présentation de la nature occupe l'essentiel du tableau alors que le sujet religieux évoqué est devenu secondaire. Elle est l'expression du mouvement culturel et scientifique qui caractérise cette époque, correspondant au règne de Charles Quint.
A partir de 1500, la peinture de paysage devient une spécialité. Le pionnier est le mosan Joachim Patenier, installé à Anvers dès 1515 et décédé en 1524. En inversant le rapport traditionnel entre les personnages et le paysage, il donne à ce dernier une ampleur telle qu'on le qualifie de « paysage cosmique ». Ce nouveau style très apprécié suscite de nombreux émules. Parmi ceux-ci, Henri Blès est le meilleur représentant de la seconde génération. Il constitue un jalon essentiel de l'art du paysage entre Patenier et Bruegel.