Ville de Dinant
TOPONYMIE DE BOUVIGNES  

Bouvignes : au sujet de quelques lieux anciens


Bon nombre de voyageurs, parcourant notre belle vallée mosane, n’ont pas manqué d’évoquer ses reliefs tourmentés, ses points de vue atypiques et diversifiés. Ainsi, lorsqu’on approche de Dinant depuis le sud de la Haute Meuse, Hastière, Waulsort, Château-Thierry et Freÿr ne manquent pas d’être cités. Par le nord, la Marlagne, Godinne et son prieuré, Poilvache, Bouvignes et Crèvecœur retiennent toute l’attention. Autant de noms pour évoquer une terre, riche en histoire, celle de nos aïeux qui l’ont foulée et lui ont donné une âme.
Chercherons simplement à faire revivre l’un d’entre eux : Bouvignes, le « pays des mougneus d’as ». De récents articles ont ravivé son glorieux passé. Bouvignes, Crèvecœur : tout le monde connaît. « Wespin », «Meez», « Devant-Bouvignes » se lisent encore sur les meilleures cartes. « Bouyet », «Connau», « la Val » ou « Noirmont » sont, sans doute, moins familiers mais localement cités. L’histoire se corse lorsque certaines appellations énigmatiques apparaissent soit dans les textes anciens ou sont, in situ, occasionnellement donnés : « Tiène des Vatches », «Fond de Boiveau», «Pré à zeau»… Il y a enfin des vocables tout à fait oubliés, dignes des cartographes et des toponymistes les plus férus, du genre : « Champioulle », « Terre Haurien » ou « Au Tchaffor ». Tous ces particularismes locaux qui furent jadis couramment usités constituent un patrimoine qui relève à la fois du lexique et de l’histoire.

Topographie générale de Bouvignes

I. Parcours général

En quittant la route de Dinant-Philippeville, à la hauteur des « Roches de Connins » -A- pour se diriger à droite dans le territoire de la commune, le voyageur se trouve face à des terres labourables et de vastes prairies. Au cœur de ce site communément appelé « Wespin » -B-, nous sommes à l’altitude 222. Plus à droite, on aperçoit deux fermes dites de Wespin -C-.
Passé la route allant de Dinant à Weillen, nous entrons dans une nouvelle terre dite de «Meez» -D-. Une ferme y était la seule construction connue. Ici, quelques vocables méritent d’être mentionnés : « Terre Sainte Catline » -E-, « Terre Adèle » -F-, « Les Longues Hayes » -G-, « Pachis à li Stiène » -H-.
Le versant de droite est envahi par l’implantation d’un nouveau bois lié à la construction du «Château de Meez» -I-. Il s’agit d’une terre dite de « Wachore » -J-, limitrophe au «Solongne» -K-, juste avant que le plateau ne s’affaisse du côté nord.
En effet, ici tout à coup, le terrain dévale suivant le « Ri dol Vaux » -L-, plus connu aujourd’hui sous le nom de « route de Sommières ». Plus à l’ouest, lorsqu’on quitte la ferme de Meez pour gagner Sommières, le sol part en pente douce vers des lieux tels que « Aux laides basses » -M- ou la « Terre Haurien » -N-. Tout au long du « Ri dol Vaux », des noms étranges apparaissent : « Al Pire Trawée » -O-, « Fosse aux pourcias » -P-, « Au Tchaffor » -Q-, « Tiène des Aurbastry » -R-…
Le territoire se rétrécit brusquement pour longer la crête en direction d’Anhée après avoir suivi la ligne située derrière Crèvecœur. Sur ce flanc rocheux et accidenté, le sentier de «Noirmont» -S- aboutit à l’extrémité nord de l’ancienne commune. D’autres sites nous attendent : «Champioulle» -T-, le « Pré Saint Georges » -U-, le « Chêne des Minières » -V-…
Il reste enfin à passer sur la rive droite dite de « Divin Bovègne » -W-, constituée de deux avancées de terre : l’une à l’est où certains situent la célèbre tour de Montorgueil et l’autre, au nord, aride et stérile dont bon nombre de noms sont quasi éteints : « Tchène aux Pauquis » -X-, « Al Bouchaye » -Y-, « Au Grossonoi » -Z-.

Territoire de la commune de Bouvignes

 

II. Quelques lieux-dits

Après ce rapide tour d’horizon, reprenons ces différentes appellations dont l’origine tient à la fois de l’histoire et des traditions, de la phonétique et de la grammaire.

A. Roches aux Connins

De la route d’Onhaye sur le territoire de Bouvignes se situe une terre qui s’élève en pente douce, c’est le « Fond de Connin ». Du latin coniculus, c’est-à-dire « le lapin », le connin désigne cet animal dont la chasse était affermée dans le bailliage de Bouvignes. Cet endroit est également désigné sous le nom de « Fond Coëlin ». Cet usage se justifierait par le passage au temps lointain de Saint Quirin, en wallon « Coëlin ». Certaines végétations, dont les feuilles recueillies en ce lieu, auraient des vertus curatives, en particulier pour soigner le mal dit de Saint-Quirin, sorte de plaie à la jambe. Jadis, pour soigner cette infirmité, il était recommandé de partir en pèlerinage jusque Huy ; l’argent nécessaire pour ce voyage devait être mendié au cours d’une neuvaine en l’honneur du saint.

B. Wespin

Par «Wespin », il faut entendre cette partie de territoire comprise entre le chemin de Melin à Dinant, celui de Weillen à Dinant et une ligne de quelques centaines de mètres à l’ouest de la route d’Hastière à Bouvignes. Jusqu’à la Révolution Française, cet ensemble formait une terre féodale appartenant au Comté de Namur.

C. Les deux censes de Meez

Deux censes, dites de Wespin, sont situées à mi-chemin, des deux côtés de la route de Melin à Dinant. Seule celle établie à l’intérieur du territoire de la commune de Bouvignes est indiquée sur notre plan. L’autre, située juste en face, relève de la ville de Dinant. Dans la langue ancienne, ces fermes étaient désignées sous le nom de « cense ». On appelait le censeur ou censier celui qui exploitait la terre. Du latin médiéval censa, ou par extension census, c’est-à-dire « redevance », et par extension « ferme » ; mais avant de désigner les bâtiments de la ferme puis de manière plus étendue l’exploitation elle-même, le mot était employé pour nommer la convention par laquelle un propriétaire donnait à bail un terrain pour son exploitation, en contrepartie d’un loyer annuel. Bien qu’ancien, le terme « cense » est toujours employé.

D. Meez

La prononciation locale est « Mé ». Jadis, terre féodale qui relevait du comté de Namur, elle comprenait 32 bonniers de terre et d’alleux, chargés de 20 muids d’épeautre de rente. Cité parmi les biens cédés en 747 par Carloman, maire du palais, à l’abbaye de Stavelot, le fief fut relevé jusqu’en 1794. Les terres de Meez sont situées entre le territoire de Wespin et l’ancienne franchise de Bouvignes. La plus ancienne appellation de « Meez » apparaît dans un document de 1295 sous la forme de « Meis », probablement dérivée du latin mansus. On sait que jadis la villa romaine ou domaine rural se composait d’un certain nombre de manses. La manse comprenait une habitation et une exploitation agricole complète dont la contenance, originairement de 12 bonniers, varia suivant l’époque et les lieux. Le préposé à la manse était le « mansuerius » d’où les termes de « masnier », « masuir » usités en Wallonie et qui donnèrent les synonymes de «manants » ou « habitants ». Par ailleurs, les variantes « meer » ou « meirs » font naturellement penser au mot germanique « mar » ou « meer » désignant l’étang ou la mare d’eau. Néanmoins, la première origine est la plus communément reconnue.
La « grande cense de Meez » était située presqu’au centre des terres du même nom. Bien qu’elle ait subi de nombreuses transformations, une partie est encore ancienne. La « petite cense de Meez » est d’origine plus récente.

E. Terre Sainte Catline

Située à l’est de la « Terre à li Stiène », elle constituait sans doute une partie du fief de la «chapellenie de Sainte-Catherine », du château comtal de Bouvignes.

F. Terre Adèle

Partie supérieure de la « Terre à li Stiène », cette terre argileuse servit jadis aux batteurs de cuivre. Ceux-ci la désignaient communément sous le nom de « Terre al deylle » qui donnerait aujourd’hui « Terre Adèle ».

G. Les Longues Hayes

Ce fond boisé longeait la section droite de la route Dinant-Weillen, à l’extrémité est de Bouvignes. On prononçait les « longuèsayes », suivant la racine wallonne « Haie » est cependant emprunté du bas latin haia, c’est-à-dire « bois », « forêt ». Une forêt entourée d’une clôture, est-ce le sens de cette appellation ? Un acte de 1587 semblerait étayer cette hypothèse: «…un certain coin de haye…» et «…radressant droict à la corne des hayes…».

H. Pachis à li Stiène

Avec la « Terre à li Stiène » qui courait tout le long de la route Dinant-Weillen, le « pachis à li Stiène » formait un pâturage contigu à la grande ferme de Meez. L’existence d’une citerne dans cette pièce de terre lui a donné son nom. Aujourd’hui, le lieu est désigné par les cultivateurs sous le vocable de « pachi au pusse ».

I. Château de Meez

Désigné également sous le nom de « Tchestia de Meez », cette bâtisse moderne fut construite dans le courant du XIXe s. Un de ses derniers propriétaires, Monsieur BLONDIAU, fit boiser les alentours et entreprit la culture intensive d'arbres fruitiers (pommiers, poiriers), aujourd’hui pratiquement disparus.

J. Wachore

Ce lieu est déjà connu en 1293 puis plus tard en 1587 sous le nom de « Waulhoire ». Ces deux mots désignent deux des nombreuses graphies que subit pendant le Moyen Age le «Walciodorus » des documents latins. « Walchore » apparaît dans le cartulaire de Bouvignes en 1287. Il ne désigne pas l’abbaye de Waulsort en tant que telle mais un terrain que celle-ci possédait sur le territoire de la commune. Il prit tout naturellement le nom de son propriétaire. Le texte de 1293 est tiré d’un acte concernant les limites entre Dinant et Bouvignes : ceux de Dinant disent « que leur banlieuve s’estendait par deviers Wachore juskes à Tilhou à Solongne ». Or, il ne peut être question de la banlieue de Bouvignes vers le monastère de Waulsort. L’acte de 1587 est également un procès-verbal d’abornement des aises de ville et des communes. Il y est écrit ceci : « thirant vers le chemin de Dinant qui à Mez, aller les dictes communes et aizes de ville jusquez à certain passon qu’ilz ont planté en certaine terre labourée par le bovier de Wespin appartenant à Monsieur de Waulhoire…»
En fait, dès le XIe s., il est connu que Ermengarde, épouse de Thierry de Faing, disposa en faveur de l’abbaye de Waulsort de 4 manses de terre qu’elle possédait « in Solonia ». Ces biens lui avaient été octroyés par un certain Richaire. Si le nom de « Wachore » a disparu, le cadastre désigne aujourd’hui ces terres sous le nom de « Sur Bouyet ». Le terrain est en grande partie boisé et proche du « Château de Meez ».

K. Solongne

Résumons en quelques lignes l’histoire de ce lieu.
En 747, Carloman, maire du palais, cède ce bien à l’abbaye de Stavelot. En 891, le roi Arnoul approuve un échange de propriétés entre l’abbaye de Stavelot et un nommé Richaire. Des biens cédés à ce dernier, il s’en trouve : «…in lomacensi campo in villa Sollanna ». Cette propriété passe ensuite à Ermengarde, épouse de Thierry de Faing, puis à l’abbaye de Waulsort. Bien des historiens ont cherché à situer ce territoire. Le Chanoine Roland a démontré qu’il s’agit d’une localité mosane aujourd’hui disparue. Son point de vue est étayé par le résultat de fouilles archéologiques entreprises au siècle dernier sur la rive gauche de la Meuse, non loin de la cense de Meez. On y découvrit les vestiges d’un ancien cimetière qui pouvait être celui du lieu-dit « Solongne ». Le document que nous avons cité dit en effet : «…in lomacensi campo…propter Dinant…par deviere Wachore ». L’ancienne voie romaine de Bavay à Cologne passait à proximité et a favorisé cette implantation aujourd’hui disparue.
Pour conclure, remarquons que le lieu « Solongne » est encore cité en 1293 au sujet d’une limite de terre contestée par les Dinantais. Ces derniers prétendaient que leur territoire s’étendait « jusques à Tilhou à Solongne ». Cette expression s’identifiait à la croix dite de Meez ou « Alle Croix Amey » suivant un autre texte daté de 1315 et qui concerne la limite de la franchise de Bouvignes. Le mot « tilhou » désigne un tilleul qui devait avoir une certaine importance au point d’avoir influencé les habitants qui nommèrent ce lieu du même vocable que l’arbre. Par la suite, le tilleul disparut et fut remplacé par une croix d’où, suivant notre texte, le souvenir de : « Alle Crois Amey condist Tilluel ». Lorsque Remacle Le Loup, célèbre graveur des « Délices du Pays de Liège », de Saumery, dessine la commune de Bouvignes, il ne manque pas de situer ce lieu non par une croix, mais par un gibet. C’est sur cette terre que se situait « Solongne » dont tout indice a aujourd’hui disparu à l’exception d’une rue, « de Sologne », qui perpétue l’existence de ce lieu très ancien.

L. Ri dol Vaux

Le torrent qui prenait sa source dans les terres de Sommières coulait dans un ravin encaissé qui longe depuis 1855 une route conduisant à ce village depuis l’ancienne franchise de Bouvignes. Comme ses eaux devaient nécessairement entrer dans la ville, il y avait sans doute à côté de la « porte de la Val » un autre passage mais, en période d’orage, il ne suffisait pas et les eaux passaient sous la grande porte. Celle-ci était recouverte au sol de grandes dalles de pierre bleue. Elles étaient à ce point remarquables qu’on avait pris l’habitude de les appeler les « dalles de Pompéi ». Le ri traversait ensuite la ville par un canal qui existait encore voici peu et nommé le « laid fossé ». Il se jetait dans la Meuse à la « porte du Quaty ». Ces eaux drainaient une masse d’alluvions : pierres, bois, ordures. Il n’était pas rare que, suite à une pluie diluvienne, le torrent déborde et emporte pont, pavement, portes même. Bien qu’aujourd’hui pratiquement tari, il a laissé dans les mémoires le souvenir de bien des ravages dont le dernier date de juillet 1974… Le « rieulx des Vaulx », suivant la terminologie ancienne, est à présent canalisé et souterrain.

M. Aux Laidès Basses

C’est la partie sud-ouest de la « Terre Haurieu ». Le mot wallon « basse » a le sens de «baisse» ou « besse », qui désigne un affaissement de terrain. En effet, à cet endroit, le terrain est constitué par une terre plastique recueillant par temps de pluie les eaux qui restent en surface.

N. Terre Haurieu

C’est ainsi que les censiers de Meez désignaient jadis cette terre. Pour eux, « Haurieu » en aurait été le propriétaire. D’autres prétendent qu’il s’agit de la « Terre Heureuse », alors que ce coin de Bouvignes est constitué d’une terre humide et marécageuse, sur laquelle un ancien exploitant fit planter des arbres. La « Terre Haurieu » est aussi la plus proche du « ri del val».

O. Al Pire Trawée

Cette « pierre » marquait la séparation entre les terres de Bouvignes et celles de Rostenne. Elle consistait en une masse rocheuse aujourd’hui à ce point nivelée qu’elle est enfouie sous les labours. En effet, au siècle dernier, les habitants du coin utilisèrent sa pierre pour construire une petite maison en dur au lieu-dit « Al Cambuse ». Celle-ci servit d’auberge pour les voyageurs, à mi-chemin entre Bouvignes et Sommières.

P. Fosse aux Pourcias

Rien de particulier ne caractérise cet endroit appelé « Fosse aux Cochons ». On sait juste qu’autrefois, les porcs y étaient menés dans la forêt pour la glandée. L’importance des troupeaux aura frappé l’imagination populaire et l’endroit fut ainsi baptisé.

Q. Au Tchaffor

Cette expression désigne un vieux four à chaux abandonné, qui se trouvait sur la route Bouvignes-Sommières. Le mot « tchaffor » n’est pas sans intérêt. En effet, il procède de la formation avec un génitif relativement rare en français ; le « tchaffor » désigne le « chaud four», le calcis furnus. Peu de documents témoignent d’une quelconque activité industrielle dans cette partie de Bouvignes.

R. Tiène des Aurbastry

Telle est la prononciation locale pour désigner la « Terre des Arbalétriers », suivant un texte de 1719, inscrit aujourd’hui dans le cadastre comme étant « les Arbaslestriers ».
Autrefois, la Confrérie des « Arbaslesriez de la Compagnie de Monsieur Saint-Georges » était particulièrement prospère à Bouvignes. On en fait encore mention en 1471. Leur nom indique que, du moins en principe, nos « Arbaslestriez » étaient armés d’arbalètes. Pour l’anecdote, il ne déplaira pas aux Bouvignois d’apprendre que leurs ancêtres avaient la réputation de manier cette arme avec une grande dextérité… Dans un passé tout récent, en 1910, une grande fête réunit à Namur les « Serments » de Diest, Malines, Louvain, Anvers, etc. De grands préparatifs furent faits à cette occasion et des messagers, à cheval, envoyés dans toutes les villes du Royaume, annoncèrent le concours. Diverses constructions d’allure médiévale recouvraient le Marché de l’Ange et des prix de grande valeur furent distribués. Parmi les vainqueurs figurait le « Serment de Bouvignes » qui emporta le premier prix !
Quant à cette colline de Bouvignes, tout semble indiquer qu’elle était le centre des exercices de la Confrérie.

S. Noirmont

Suivant les cartes et le cadastre, ce lieu est également désigné comme étant le « Mont Noir » ou le « Noir Mont ». D’anciens documents parlent de la « Saison de Noirmont » pour désigner une série de biens communaux qui descendaient depuis Rostenne jusqu’à cette extrémité nord de Bouvignes. Ces terres étaient successivement « paturées » ou « essartées » suivant un règlement communal. Par ailleurs, ce territoire est encore familier aux plus anciens Bouvignois, par un chemin qui y conduisait et portait le joli nom de « Tiène des Vatches ». « Noirmont », colline boisée, rocheuse et accidentée qui longe la route Bouvignes-Anhée, reste aussi un lieu chargé de légendes et de mystères. Ainsi aurait-elle été le théâtre de multiples rapts perpétrés par Esmerande de Poilvaque, au XIIIe s. « Noirmont » est aussi la terre des célèbres « Trou Madame » et « Trou Clabeau », grottes distantes de quelques dizaines de mètres.
Le « Trou Clabeau » tiendrait son nom du wallon calebote, petit recoin où l’on enfermait divers objets familiers, d’où l’expression « clabot » dans le vieux français, pour désigner cette fois une petite terre située au creux d’une vallée. Le même terme est utilisé dans certaines régions de France pour désigner une cavité.

T. Champioulle

Du latin campus auquel s’est ajouté le suffixe iola.
Ce bien communal était, au XVIIIe s., alternativement divisé en essarts et en pâturages pour l’usage des habitants. Il était borné au sud par le fossé d’un torrent qui descendait vers la Meuse ; à l’ouest, par les propriétés des deux fermes de Grange, au nord, par les communes d’Anhée et les possessions de l’ancienne abbaye de Moulin, enfin, à l’est, par la route en direction de Namur. La majeure partie de ces terres sont aujourd’hui boisées.

U. Pré Saint Georges

Cette prairie est située à l’extrémité nord de la commune et s’étendait, autrefois, depuis la «Rotche aux moutons » jusqu’à la berge. Il n’en reste plus qu’une bande étroite entre la Meuse et le chemin de fer. Le patronage donné à ce lieu serait lié à la Confrérie des « Arbalestriez de la Compagnie de Monsieur Saint-Georges » de Bouvignes. Suivant la tradition, les arbalétriers utilisaient ce terrain pour leurs exercices de tir ; par ailleurs, une rente attachée à cette terre leur aurait appartenu. A partir de 1472, une messe fondée est célébrée chaque semaine à l’autel de Saint-Georges dans l’église paroissiale, moyennant « quatre frans de cens héritable qu’ilz (les Arbalétriers) avoyent jà pièçà acquis à Maroye de Grange…» et «…ung franc de cens héritable qu’ilz avoyent parellement acquis à Willemet de Saint-George ».

V. Chêne des Minières

«…ung estocque de chaine comunément nommé le Chaine des Miniers » ; telle est l’inscription qui figure dans le Cartulaire de Bouvignes en 1587. Plus tard, au XVIIIe s., cette souche, qui marquait la limite entre les terres de Bouvignes et les fermes de Grange, fut arrachée. Suivant l’historien BORGNET, on a exploité du fer hydraté sur les hauteurs de Bouvignes, du côté de Rostenne. Mais ne faut-il pas situer cette extraction plus à l’ouest de Bouvignes, du côté de Champioulle ? Si, aujourd’hui, un massif de résineux a remplacé le chêne, le bouleversement du sol et l’amas des rochers laissent supposer une ancienne activité d’extraction de métaux. Notons qu’aux abords de ce lieu-dit se situe la « Fontaine aux Bécasses », ancien point d’eau à présent disparu, qui tenait son nom de l’oiseau chassé jadis à cette extrémité de la commune.

W. Divin Bovègne

En 1607, les Archiducs Albert et Isabelle confirment aux Bouvignois la propriété d’un ensemble de terres, situées sur la rive droite de la Meuse, dans le prolongement du quartier de Leffe, en face de leur Cité. Cette appropriation leur était contestée depuis de nombreuses années par les Dinantais. En effet, situé entre Bouvignes, comté de Namur, et Dinant, Principauté de Liège, ce lieu représentait un facteur capital sur le plan stratégique. La décision des Archiducs mit un terme à ce point de discorde qui avait été à l’origine de sempiternelles querelles ! En 1914, dans les premières semaines de la « grande guerre », les Français détruisent le pont qui relie les deux rives et obligent la population bouvignoise de la rive droite à l'isolement.

Bouvignes et Divin Bovègne en 1900

X. Tiène aux Pauquis

Les coteaux de notre belle vallée mosane étaient autrefois couverts de buis que nos aïeux ont, pour la plupart, vaillamment défrichés. Ces forêts d’arbustes avaient pris le nom de «buissière» (ou buissaire). Leur utilité était souvent d’ordre liturgique. En effet, le jour de la «Pâques fleurie », c’est-à-dire aux Rameaux, on bénissait dans les églises de grandes quantités de gerbes de buis qui étaient surnommées « pauquis ». A Bouvignes, le « Tiène aux Pauquis » prit aussi le nom de « Montagne au Buis ».

Y. Al Bouchaye

Ce taillis redescendait vers le « Fond des Rivaux » situé à l’extrémité de cette terre. Sous l’expression « bouchaye » est désigné un buisson ou un bocage composé de futailles et de rochers.

Z. Au Grossonois

Cette expression dérive de « grossu alnu » ou « gros aulne » qui poussait jadis à cet endroit. Ce lieu-dit se situe à l’extrémité nord du « Tiène aux Pauquis ».

         Jean-Baptiste RATY

Bibliographie

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