Ville de Dinant
VAUBAN ET LA FORTIFICATION DE DINANT  

EN 1675, s’étant rendus maîtres de la ville, les Français s’activent à réparer les dégâts causés par l’artillerie lors du siège et renforcent les zones jugées faibles sur le plan défensif, de la ville de Dinant. C’est en 1676 que Vauban est pour la première fois consulté sur l’opportunité de construire certains ouvrages fortifiés. Deux ans plus tard, Dinant est intégrée dans le « Pré carré » constitué d’une double ligne de forteresses entre la Meuse et la mer du Nord. Les grands travaux de fortifications dans la cité ne débutent qu’en 1680. La même année, Louis XIV donne son accord afin que débute la construction d’un « château-neuf », dans le prolongement du vieux château, proposé par Vauban. En raison de son relief particulier, les nombreux problèmes que pose la fortification dinantaise sont étudiés et résolus grâce à une étroite collaboration entre Vauban et l’ingénieur Cladech qui reste sur place.

L’enceinte du faubourg Saint-Médard, sur la rive gauche, se voit renforcée par l’édification de nouvelles redoutes. Au nord, la porte Saint-André est complétée par une demi-lune et des fossés alimentés par les eaux de la Meuse. Pas moins de deux redoutes sont construites en contre-haut de la tour Taravisée et de l’église Saint-Pierre, à la limite du plateau de Malaise. Au sud, la pointe de l’île et la porte Saint-Nicolas sont protégées par un petit ouvrage à cornes. Alors que le projet du « château-neuf » n’est pas encore terminé, les Français envisagent de fortifier le plateau de Malaise, estimant que l’ennemi pourrait utiliser ce replat naturel comme plateforme d’artillerie (ce qui avait été le cas en 1554).

La configuration du site de Dinant ne manque pas de susciter l’étonnement de Louis XIV au point qu’il se fait apporter le plan en relief de la ville pour examiner toutes les possibilités de fortifications nouvelles.

Vauban se rend à Dinant à la fin du mois de septembre 1691. Il y rédige un projet réaliste mettant en évidence les défauts et les avantages de la fortification de la cité qu’il juge peu propice à une mise en défense. Il suggère de bâtir une couronne formée de deux fronts bastionnés d’environ 240 m de long chacun sur le plateau de Malaise. Il ne manque pas de faire remarquer qu’une ville traversée par un fleuve ne peut être efficacement protégée que si les deux rives sont solidement défendues.

Avec la prise de Namur par Louis XIV en 1692, Dinant perd sa position stratégique au bénéfice de Namur.

 

Plan de la ville de Dinant à la fin du XVIIe siècle. En jaune surligné de rouge : ouvrages construits. En jaune : ouvrages non réalisés (rive gauche).

Alors que les travaux d’amélioration des fortifications de Dinant tournent au ralenti, un traité de paix est signé à Ryswick en 1697 qui stipule que la ville de Dinant doit être rendue à la principauté de Liège dans l’état dans lequel elle se trouvait avant l’arrivée des Français en 1675. C’est alors qu’est organisé un incroyable démantèlement. Les Français mettent un zèle particulier à abattre tout ce qu’ils avaient érigé mais des protestations indignées s’élèvent… les autorités de la ville prétendent qu’on démolit beaucoup trop ! En cela compris, des parties de fortifications construites avec l’argent des Dinantais ! Mais les discussions les plus âpres portent avant tout sur le pont que les Français avaient rebâti. Le concert de réclamations des magistrats de la ville ajouté à celui du prince-évêque n’a d’autre effet que de limiter sa démolition. Un château et des portions de l’enceinte urbaine ruinées, un pont inutilisable… voilà ce que les Français laissent aux habitants en quittant leur ville.

L’ironie du sort veut que tous les travaux conçus pour la mise en défense de la cité mosane ne serviront jamais. La place ne sera jamais assiégée. Aujourd’hui, il n’existe hélas que peu de traces matérielles de cette époque.

P. SAINT-AMAND, Dinant, ville imprenable ou stratégiquement négligeable? dans, Vauban entre Sambre et meuse 1707-2007, Namur, 2007.